Ça peut sembler une évidence… la Parole parle. C’est dans sa nature. Mais la Parole de Dieu, inspirée à des humains, consignée dans des livres  (73, chez les Catholiques) réunis dans une ‘bibliothèque’ appelée la ‘Bible’ (hé oui, même racine de mots), parle-t-elle encore aujourd’hui?

Personnellement, je vous dirais : plus que jamais. Jeune, je voyais la Bible comme un Beau livre, décoratif. Nous avions une édition immense, à la maison, à tranche dorée, remplie de magnifiques illustrations, mais je préférais la Bible en bandes dessinées. On intégrait la grosse version dans un décor spécial dans le salon chez-nous durant la période du Carême, la Semaine Sainte et Pâques. Ce qui était déjà plus que dans la majorité des familles que je connaissais. Mais de là à dire que ça me rejoignait dans ma vie quotidienne… Dans mes albums, j’y trouvais de belles histoires, comme celle du petit David, et la naissance de Jésus, les miracles, les paraboles. Je trouvais ça spécial, mais le lien ne s’était pas fait tant que ça avec ma vie de petit. Je préférais de beaucoup l’histoire de saint Dominique Savio lorsqu’il était enfant. Je trouvais son amour du Seigneur vraiment spécial et ça faisait vibrer quelque chose en moi. Je réalise aujourd’hui que, déjà à cet âge, je me sentais attiré par le spirituel. Et, en ce sens, le respect de Dominique pour les choses de Dieu et de l’Église me fascinait. Il faisait la leçon à ses amis qui étaient totalement indifférents à la religion, et je me reconnaissais dans ce sentiment d’être différent des autres à ce niveau, mais pas assez cependant pour leur faire la morale; d’ailleurs ce n’est pas dans mon tempérament. Et passer trois heures devant le Saint-Sacrement au lieu d’aller jouer et faire de la bicyclette… Je trouvais Dominique un peu zélé… Non. Pas tout à fait moi. En analysant cette partie de mon enfance, je prends conscience que la lecture de la vie de Saint-e-s, comme lui ou Thérèse de l’Enfant-Jésus (que ma mère aimait tant) me mettait en contact indirectement avec la Parole de Dieu, comme par médiation, via ces intermédiaires qui incarnaient les valeurs chrétiennes, à la manière de reflets du ‘Verbe fait chair’. Ils devenaient des modèles à imiter. Mais en même temps, avouons-le, des modèles plutôt inimitables et généralement assez loin de ma vie bien ordinaire de p’tit gars des années ’60. À l’église, je dois dire que j’écoutais assez attentivement la lecture des passages bibliques. Ayant connu, dès l’année suivant ma première Communion à 6 ans, la réforme liturgique donnant une bien plus grande place à la Bible durant la messe, j’ai eu la chance d’entendre une partie importante du Livre Saint lors des Eucharisties dominicales (on n’allait pas souvent à la messe sur semaine, puisque j’étais à l’école publique). Je ne savais pas encore qu’il y a un cycle de trois ans pour les lectures du dimanche, et de deux ans, la semaine, mais je trouvais que les mêmes textes revenaient souvent… Peut-être que mon curé du temps –Dieu ait son âme- avait tendance à radoter les mêmes homélies à répétition, mais je ne me rappelle pas en avoir entendues qui m’aient vraiment emballé et aient rendu la Parole vivante pour moi. Ça me lassait, plutôt. J’avais un peu le sentiment que le curé parlait tout seul. Comme disait le sacristain de ma paroisse, à cette époque : ‘Si le curé arrêtait de passer par Ottawa pour aller à Québec en partant de Montréal…’ Combien de fois j’ai pensé : le curé a manqué une belle occasion de dire ‘Amen’ et de passer à autre chose. Ou : ‘ Si j’avais été en avant… j’aurais dit ceci ou cela, à sa place…’ Aujourd’hui, je suis à sa place, en avant, et je peux vous dire que c’est tout un défi de prêcher l’Évangile devant une assemblée constituée de gens de tous âges, de différents degrés de scolarité, et d’histoires de vie tellement variées… Je suis beaucoup plus indulgent maintenant quand j’entends l’homélie d’un confrère. Croyez-moi. Et je vous invite à ce même accueil charitable. Chose certaine, avant de prendre pertinemment la parole à partir de la Parole, il faut d’abord que celle-ci nous parle en profondeur, sinon… (À SUIVRE)